Les Sociétés de journalistes s’étaient, à juste titre, émues à la suite de la publication dans Le Monde du 4 juillet 2012 d’un supplément sur l’Algérie « 50 ans après l’indépendance« , supplément qui n’était en fait qu’une commande. Une affaire similaire agite de nouveau les rédactions.
Le Figaro Magazine a publié, le week-end dernier (7 novembre) , un reportage de 11 pages sur la participation au Marathon de NY de son rédacteur en chef, Guillaume Tabard. Mais tout laisse à penser que ce reportage répond lui aussi à une commande. Celle des chaussures de running de la marque Asics.
Les éléments semblent suffisamment probants : 5 photos dans lesquelles les dites chaussures apparaissent clairement. Et des phrases qui sont autant d’aveux, notamment cette légende accompagnant l’une des photos litigieuses : « Devant lui, ses précieuses chaussures de course Asics. Ce sont elles qui le porteront demain vers la ligne d’arrivée ». Ou encore « Le jour … où l’on a acheté sa 1ère paire d’Asics, des rolls au pied »!
La direction du Figaro assume en partie. Elle reconnait que le voyage, le séjour du rédacteur en chef et du photographe qui l’accompagnait ont été payés par Asics ». Mais il convient alors d’aller au bout et de reconnaître aussi l’infraction de publicité clandestine.
En effet, pour le droit, la publicité est consommée dès-lors qu’il y a transaction, quand bien même celle-ci serait en nature, comme cela semble être le cas en l’espèce.
Car le droit est sans ambiguïté. Toute publicité doit s’afficher comme telle. Le consommateur (ici lecteur) ne doit pas être piégé. Ne pas respecter cette règle tombe sous le coup du pénal et l’amende minimum encourue est de 6 000€. La responsabilité du Rédacteur en Chef est également engagée. Le reportage aurait donc dû mentionner son caractère publicitaire.
Alors comment qualifier le-dit reportage? Dans la presse, plusieurs qualificatifs sont avancés. Mais ils ne nous paraissent pas satisfaisants. Il ne s’agit pas de brand content, tout simplement parce que la marque Asics n’apporte aucun contenu, se contentant de mettre en valeur ses produits. Ni de placement de produit, car ce concept n’est pas reconnu à ce jour dans la presse écrite. Et la loi rend aussi obligatoire en cas, de placement de produit, d’en avertir le consommateur. Il ne s’agit pas davantage de parrainage, pour la bonne raison que le parrainage, (pour autant que l’on puisse l’adapter à la presse écrite) s’affiche clairement sous peine de ne servir à rien. Réfutons aussi la proposition de brand journalism. Ici, la marque Asics ne fait pas de journalisme de marque. Tous ces qualificatifs ne conviennent donc pas.
Non, les choses sont beaucoup plus simples. Montrer ou citer une marque dans un reportage en étant payé pour le faire porte un nom : c’est de la publicité. Et ici elle est clandestine.