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Loteries, une première en France : le préjudice de déception

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Vous recevez sans doute souvent ces publicités vous annonçant que vous avez gagné!

Mais à y regarder de plus près, vous trouvez une clause (souvent petite), vous précisant que ce gain n’est qu’une pré-sélection pour un tirage au sort à venir. En fait, vous n’avez rien gagné, sauf le droit de participer à une loterie….

Les faits

C’est la mésaventure vécue par une habitante d’Epernay à laquelle la Société AFIBEL, spécialisée dans la vente par correspondance de vêtements féminins annonçait le gain d’un voyage en Turquie pour deux personnes, d’une valeur de 2850€. Déçue bien sûr de ne voir rien venir, elle porte l’affaire devant le tribunal d’instance de Lille.

Le 2 décembre, le juge estime que la publicité est trompeuse et caractéristique d’une escroquerie. Décision qui n’a rien de surprenant, d’assez nombreuses affaires de ce type se terminent par la condamnation à verser le gain annoncé ou sa valeur.

Portée du jugement

La nouveauté de ce jugement est ailleurs. Outre le versement à la plaignante de la valeur du lot, le juge lui accorde un préjudice de déception estimé à 500€. 500€ pour avoir subi une certaine frustration.

Alors, qu’elle est la portée de cette décision?

Le juge a bien sûr vérifié le côté trompeur de la publicité envoyée, en général sous forme de mailing. Il est nécessaire qu’un « consommateur moyen » puisse être trompé. En d’autres termes, que les mentions de réserve ne fassent pas leur effet, souvent à cause de leur petite taille ou de leur emplacement dans le texte.

Si la publicité est réellement trompeuse au point que le dit consommateur moyen pouvait réellement croire avoir gagné ou, si le consommateur mérite d’être spécialement protégée pour sa faiblesse, il y a en effet tromperie qui peut être constitutive d’escroquerie. Il est donc normal que l’annonceur tienne sa « fausse promesse » de gain.

Indemniser le préjudice moral est plus rare. Et le préjudice de déception est une première en France.

Son fondement juridique n’est pas forcément stupide. L’annonceur espère susciter l’envie pour le lot promis. Lorsque le consommateur réalise qu’il a été dupé, il sera déçu. Susciter de « faux envies » peut donc être considéré comme constitutif d’un préjudice.

Mais le mérite de ce jugement est sans doute ailleurs : mettre en garde toutes ces sociétés qui, avouons-le, prennent un peu le consommateur pour un grand naïf.