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Publicité et transition écologique (1)

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Le rapport « Publicité et transition écologique » rédigé par Géraud Guibert* et Thierry Libaert** à la demande des Ministres Elisabeth Borne et Brune Poirson a été remis au Gouvernement le 11 juin 2020. Parmi ses 23 propositions, certaines concernent l’important travail d’autorégulation conduit par les organismes professionnels.

Ouvrir la gouvernance de l’Arpp

Les 800 adhérents de l’Arpp sont des agences, des annonceurs ou des médias. Sa Gouvernance, notamment son Conseil d’Administration composé de 32 membres, est en toute logique l’émanation de cette composition. Le rapport « Publicité et transition écologique » préconise d’élargir cette gouvernance pour permettre une représentation des Associations de consommateurs et des Associations de protection de l’Environnement. Dans la pratique, le rapport suggère d’ajouter 3 membres supplémentaires désignés sur proposition des organismes concernés. Cette mesure devra toutefois être validée par l’institution elle-même et devrait nécessiter une modification de ses statuts. Cette proposition aurait l’avantage de permettre aux associations de consommateurs et aux associations ou ONG de protection de l’environnement de faire entendre leur voix, de donner leur point de vue sans pour autant faire perdre aux professionnels leur pouvoir de décision, ceux-ci restant maîtres des contours des règles d’autorégulation qu’ils se fixent.

Élargir le contrôle à priori de la publicité

Actuellement, il existe en France un seul cas de contrôle a priori de la publicité, c’est celui de la publicité télévisée. En effet, tout spot publicitaire télévisé doit, avant toute diffusion, recevoir un avis favorable de l’Arpp. Sur ce modèle, le rapport suggère de rendre obligatoire un contrôle a priori de toute publicité comportant un argument écologique, quel que soit le média utilisé. Même si les cas de greenwashing sont ces dernières années moins nombreux, ce contrôle à priori devrait permettre d’en renforcer encore la lutte.

Accélérer le traitement des plaintes

Lorsqu’une plainte contre une publicité est déposée sur le site du Jury de Déontologie Publicitaire (JDP), une procédure contradictoire se met en place et celle-ci demande du temps, souvent entre 1 et 2 mois. En conséquence, lorsque tombe la décision du JDP, la publicité en cause n’est, la plupart du temps, plus diffusée. Il existe bien une procédure d’urgence mais seul le Président de l’Arpp ou son Directeur Général peuvent la solliciter et cela reste assez rare.

Avec pertinence, le rapport suggère d’accélérer le traitement de la plainte et propose qu’un délai de 15 jours maximum sépare la plainte et la décision du JDP. La décision du JDP verrait sans aucun doute son exemplarité et donc son efficacité ainsi renforcées, la campagne étant encore présente dans les esprits. Autre procédure suggérée : permettre au Conseil Paritaire de la Publicité de saisir le JDP en procédure de référé qui, on le sait est une procédure d’urgence.

Donner plus de poids aux décisions du JDP

L’action du JDP repose sur le « name and shame ». La décision rendue est publiée sur son site. Mais un site dont le grand public ignore bien souvent l’existence. La sentence du JDP passe souvent inaperçue du grand public lorsque ce n’est pas des professionnels eux-mêmes, perdant ainsi de sa force d’exemplarité. Et même s’il est par ailleurs possible au JDP de procéder à une publication de la sanction dans la presse, cette publication reste rarissime.

Aussi, dans le but de renforcer l’impact et le poids que peut avoir la condamnation d’une campagne publicitaire par le Jury de Déontologie Publicitaire, le rapport préconise-t-il plusieurs mesures :

  • Publier une fois par mois dans la presse professionnelle de la communication et du marketing, un récapitulatif des avis rendus par le JDP en appliquant un principe de proportionnalité en fonction de l’enjeu représenté par chaque espèce concernée. Une mesure propre à sensibiliser les professionnels, les publicitaires.
  • Diffuser systématiquement dans la presse économique et financière les plaintes jugées fondées quand elles concernent des campagnes nationales multi-supports conduites par de grandes organisations. Une mesure intéressante car ce sont souvent ces campagnes qui touchent le plus de monde. Mais les pages économiques, et à plus forte raison financières, ne sont pas forcément lues par le grand public. Une mesure qui touchera davantage les professionnels et les financeurs.
  • Permettre au JDP de saisir la justice dès-lors que la publicité en cause est constitutive d’une infraction (publicité mensongère par exemple). Mais cette saisine relève-t-elle d’une mission de régulation?
  • Dédommager les associations ayant déposé plainte lorsque cette dernière est jugée fondée. Le rapport suggère un forfait de 250€. Ces organismes sont en effet souvent amenés à se faire épauler par des juristes, des avocats pour monter leur dossier, et ces frais peuvent, pour ces organisations, être lourds en regard de leurs ressources. Une mesure qui, si elle parait fondée peut par ailleurs, telle que présentée, paraitre bien symbolique.

Le rapport « Publicité et transition écologique » reconnait le travail d’autorégulation fait par les organismes professionnels en vue de fixer des règles publicitaires dans le respect d’une certaine déontologie professionnelle. Il suggère néanmoins plusieurs mesures destinées à le renforcer. Des mesures qui nécessiteront forcément l’adhésion des instances concernées.

* Géraud Guibert est Conseiller Maître à la Cour des Comptes et Président de La Fabrique Écologique

** Thierry Libaert est membre du Conseil Économique et Social Européen et Professeur des Universités