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Quel statut pour les écrans numériques en vitrine ?

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Plusieurs municipalités ont limité, voire interdit l’affichage numérique dans l’espace urbain. Avec parfois pour conséquence la multiplication des écrans numériques dans les vitrines des magasins. A quel statut ces écrans, lisibles de l’extérieur, sont-ils soumis ? Éléments de réponse.

L’interdiction ou la limitation d’un support de publicité entraine souvent un effet de compensation vers d’autres supports. C’est précisément ce qui se produit aujourd’hui en matière d’affichage numérique dans l’espace urbain. La ville de Paris a souhaité interdire les écrans numériques sur l’espace public, mais cette interdiction s’accompagne aujourd’hui de la multiplication des écrans numériques installés dans les vitrines des magasins et tournés vers l’extérieur, ciblant piétons et même automobilistes. Selon la Mairie de Paris on en compterait aujourd’hui dans la capitale quelque 1 200.

Des écrans qui poussent comme des champignons

Le groupe JC Decaux a signé un accord avec les magasins Monoprix pour installer dans leurs vitrines une centaine de panneaux numériques de taille abris-bus, soit 85 pouces. La marque Monoprix profite de 40% du temps de diffusion, les 60% restants bénéficient à des marques partenaires. Autre exemple, le groupe Exterion Media a signé un partenariat avec le caviste Nicolas pour placer dans les vitrines 400 écrans numériques de 55 et de 75 pouces. Quel est le statut juridique de ces nouveaux écrans?

Parce que situés dans des locaux privés, ces écrans échappent et au Code de l’Environnement et au Règlement Local de Publicité (RLP) de la ville. Ils échappent aussi du même coup aux taxes qui frappent les réseaux d’affichage habituels en compensation de l’occupation de l’espace public.

La réaction de la Ville de Paris

Ce qui n’a pas empêché la ville de Paris d’adresser des mises en demeure de retirer les écrans litigieux. La ville s’appuie sur le fait qu’ils constituent une pollution visuelle. La Mairie évoque également le risque d’atteinte à la vie privée. Ce dernier point reste à établir car à notre connaissance ces écrans dénombrent les passages, le sexe, voire l’âge, mais ne semblent pas capter de données personnelles, même si, on le sait, la technologie permettrait de le faire. La Mairie évoque également le fait que les écrans numériques sont énergivores. Des arguments qui ne sont ni nouveaux ni spécifiques aux écrans placés en vitrine. Par contre, l’affichage numérique conquiert ainsi un nouvel espace, augmentant sans doute du même coup le ressenti d’omniprésence publicitaire. Est-ce vraiment bon pour la publicité? On s’est récemment posé la même question avec les écrans numériques installés sur les pompes à essence des stations services…

Que disent les textes?

Quelle est la position du droit? Le Code de l’environnement s’applique, en matière d’affichage, à toute publicité visible depuis une voie ouverte à la circulation, que cette voie soit publique ou privée (un parking de grande surface par exemple). Mais l’article L 581-2 du Code de l’environnement s’applique si cette publicité se situe sur l’espace public, c’est à dire un espace ouvert et accessible à tous. Et cela exclut les publicités à l’intérieur d’un local, lesquelles échappent donc à la règlementation comme le rappelle le Conseil d’État dans un arrêt du 28 octobre 2009 concernant une boutique Zara.

Et qu’en pensent les juges?

Arrêtons-nous quelques instants sur ce cas d’espèce Zara. Bien-sûr à l’époque il ne s’agissait pas d’écrans numériques…La boutique parisienne Zara de la rue Halévy avait mis en vitrine, visibles uniquement de l’extérieur, deux photos 2mx2m de mannequins habillés par Zara. La Mairie de Paris exigeait leur retrait. Après un appel qui déboute la Mairie de sa demande, c’est le Ministre de l’Écologie qui intente un pourvoi devant le Conseil d’État . Le Conseil d’État rappelle dans ses attendus que le Code de l’environnement « ne s’applique pas à la publicité, aux enseignes et pré-enseignes situées à l’intérieur d’un local, sauf si l’utilisation de celui-ci est principalement celle d’un support de publicité ». Ce qui n’était bien sûr pas le cas de la boutique Zara, avant tout lieu de vente. Le Conseil d’État de conclure : « l’interdiction de la publicité numérique édictée par le RLP de Paris ne s’applique pas aux dispositifs implantés derrière les vitrines des commerces parisiens » quand bien même les dispositifs en cause ne sont visibles que de l’extérieur. Le pourvoi est rejeté.

Alors, quelle solution?

Pour permettre à une Mairie d’interdire ce type d’affichage, il faudrait une évolution de notre droit et qu’en conséquence un texte de loi soumette expressément ces écrans au Code de l’Environnement. C’est une mesure tout à fait vraisemblable à une époque où l’affichage numérique est régulièrement remis en cause. C’est d’ailleurs l’une des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat. Une proposition qui a été relayée largement.

Il y a quelques mois nous posions la question de la régulation de l’affichage digital? Une interdiction globale serait une mesure radicale et cette menace doit nous appeler à la prudence dans les choix d’implantation de ces panneaux numériques. Une négociation avec les grands afficheurs serait aussi sans doute pertinente…