L’intelligence artificielle est dans tous les esprits et demande une adaptation de nos pratiques et réglementations. Les œuvres de création sont particulièrement concernées. Comment protéger les droits de leurs auteurs face à ces outils ? C’est à cette question qu’une proposition de loi s’efforce de répondre.
Les outils d’intelligence artificielle se nourrissent d’images et de textes. Mais ces images et ces textes ont des auteurs et ceux-ci bénéficient sur leurs œuvres de droits moraux et patrimoniaux reconnus par le Code de la Propriété Intellectuelle, lequel de son côté n’avait pas prévu l’arrivée de ces outils.
C’est dans ce contexte qu’une proposition de loi a été déposée le 12 septembre par une dizaine de députés sous la conduite du député Renaissance Guillaume Vuilletet. L’exposé des motifs est particulièrement engagé aux côtés des créateurs. Il qualifie l’IA de « défi économique, culturel et juridique majeur… qu’il convient de régler urgemment ». Il définit comme devoir du législateur la nécessité de « protéger impérativement les auteurs et artistes de la création et de l’interprétation. » Sont notamment cités les arts plastiques, la photographie, les livres, la musique ou encore la presse. Pour les rédacteurs de cette proposition de loi, l’IA, dans le contexte actuel, constitue « une menace et probablement un désastre à venir pour la création. »
Concrètement, la proposition de loi comporte 4 articles destinés à venir compléter les articles L121-2, L131-1, L131-3 et L321-2 du Code de la Propriété Intellectuelle. Ces 4 articles retiennent 5 dispositions significatives.
Accord des auteurs : Obligation de solliciter l’accord des auteurs ou de leurs ayants-droit quand une œuvre est utilisée par un outil d’IA.
Une gestion collective : Le projet suggère que les droits des auteurs puissent être gérés de manière collective par des sociétés d’auteurs ou des organismes de gestion collective. On pense bien sûr aux modèles de la Sacem pour la musique ou de la Sacd pour les arts dramatiques.
Identification des outils : Si une œuvre est créée par un outil d’intelligence artificielle, cela doit être expressément mentionné. La mention proposée est « Œuvre générée par IA« .
Taxation : Si les œuvres utilisées par une IA ne peuvent pas être identifiées quant à leurs origines, la société qui exploite l’outil devra acquitter une taxe au profit de l’organisme de gestion collective, faute de pouvoir rémunérer les auteurs des œuvres exploitées.
Absence d’intervention humaine : Si une œuvre est créée par une IA sans intervention humaine directe, des droits d’auteur ne peuvent pas être reconnus à l’outil. C’est une question qui revient assez souvent actuellement dans les débats et la position ici adoptée nous parait cohérente puisqu’un outil seul ne peut se voir reconnaître la personnalité juridique pourtant indispensable à la reconnaissance de droits. Dans cette hypothèse, les seuls droits reconnus seront ceux des auteurs des œuvres-sources utilisées.
Une proposition de loi qui a le mérite de poser de vraies questions dans un contexte d’explosion de l’usage des outils d’IA et alors qu’aucune réglementation européenne ou internationale n’est à ce jour applicable.
Mise à jour du 2 octobre 2023
Le 29 septembre, 70 organisations des secteurs de la création et des industries culturelles cosignent dans Le Monde, une tribune intitulée « Intelligence artificielle : construisons dès aujourd’hui une IA de rang mondial respectueuse de la propriété littéraire et artistique ». Cette tribune appelle à la fixation d’un cadre européen (actuellement en discussion) et demande une « transparence totale à travers une liste détaillée des œuvres utilisées« , liste qui devra être tenue à disposition des titulaires de droits afin de les associer « au partage de la valeur créée à partir de nos œuvres, de nos articles, de nos contenus ». La proposition de loi évoquée dans notre article devrait donc répondre en partie aux attentes de cette tribune.