Deux fédérations professionnelles avaient saisi le Conseil d’État pour tenter de faire censurer un décret de 2022 interdisant dans la publicité le recours à des allégations environnementales trop générales. Explications et portée.
En juin 2022 deux organisations professionnelles avaient en effet saisi le Conseil d’État pour contester le décret du 14 avril 2022. Présentons tout d’abord les dispositions de ce décret…
Le décret du 14 avril 2022
Le décret en cause prononçait, en application de la loi Agec, l’interdiction des allégations environnementales trop génériques, et donc susceptibles de tromper le consommateur. Était spécialement visée l’allégation « neutre en carbone » avec pour objectif de faire barrage à la récupération marketing de la compensation carbone. Mais est aussi concernée par cette interdiction toute allégation de même type, telles que « produit biodégradable » ou encore « respectueux de l’environnement. »
Le décret faisait toutefois exception à cette interdiction si l’annonceur apporte les preuves de ses allégations, preuves qui doivent alors être accessibles aux consommateurs sur le site internet ou via un QR code. Trois éléments de preuves doivent être publiées : le bilan carbone avec sa méthodologie de calcul, la trajectoire carbone sur les 10 prochaines années (à actualiser régulièrement) et, le cas échéant, le descriptif de la compensation utilisée. La transgression de ce décret fait encourir une amende de 20 000 € pour une personne physique et de 100 000 € pour une personne morale.
La décision du Conseil d’État
Ce sont donc les dispositions de ce décret que 2 organisations professionnelles espéraient voir remises en cause en saisissant le Conseil d’État. Il s’agit de la Fédération de l’hygiène et de l’entretien (la FHR) et de la Fédération des entreprises de la beauté (la Febea). Le Conseil d’État a rendu sa décision le 31 mai 2024 et celle-ci confirme la conformité du décret au droit français et au droit européen. Les deux organisations sont donc déboutées.
Les attendus du Conseil d’État sont en équivoque. La haute autorité rappelle tout d’abord que le but du décret attaqué est de « renforcer la protection du consommateur » et que ce texte concerne des « allégations environnementales qui renvoient à des notions qui ne font l’objet d’aucun consensus scientifique, ou qui, en l’état de la technique, sont trop générales pour être vérifiables. » Le Conseil d’État déclare même que « ces allégations étaient régulièrement employées de manière trompeuse ou ambigüe ». Et qu’elles sont donc, dans ces conditions, constitutives de greenwashing. Et il est ici pertinent de rappeler que la Directive européenne Green Claims de mai 2023 demandait précisément aux États européens de lutter contre le greenwashing.
Les dernières initiatives européennes en matière de greenwashing
La lutte contre le greenwashing a été renforcée par la Directive européenne du 17 janvier 2024. Cette directive interdit les allégations génériques, imprécises ou sans preuves. Elle interdit également les allégations basées sur la compensation et celles non-étayées sur le cycle de vie du produit ou du service. La directive rend obligatoire la publication d’un plan d’action pour les allégations qui constituent une promesse pour le futur (« neutralité carbone en 2040 » par exemple). Les États européens qui le souhaitent ont deux ans pour retranscrire cette directive dans leur droit national. Rappelons en effet, qu’une Directive, contrairement à un Règlement européen, ne s’impose pas aux États.
Enfin, la Commission européenne a publié le 12 mars dernier le projet d’obliger les annonceurs à ne s’appuyer que sur des éléments de preuve vérifiés par un organisme indépendant et certifié et de limiter le recours à la compensation aux seules émissions résiduelles, c’est-à-dire incompressibles. Une sanction de 4% du chiffre d’affaires serait envisagée pour les contrevenants.