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La mode éphémère mise au pli ?

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Interdiction de faire de la publicité, création d’un malus, obligation d’un message de sensibilisation sont les mesures phares d’une proposition de loi visant à davantage encadrer les excès de la fast-fashion.

C’est à l’unanimité (par 146 voix) que l’Assemblée Nationale a adopté la proposition de loi relative à la fast-fashion, (nommée « mode éphémère » dans le texte) et défendue par Anne-Cécile Violland appartenant à la majorité présidentielle (Groupe Horizons).

Une loi qui s’inscrit dans un contexte difficile pour le secteur de la mode en France. Un secteur qui, selon le préambule du texte, enregistre un déficit annuel de 12 milliards d’€. Chaque Français achèterait en moyenne 48 vêtements chaque année et la fast-fashion représenterait 10% du marché français selon Boston Consulting Group. On a tous à l’esprit la succession de dépôts de bilans de trop nombreuses marques auxquelles nous étions habitués. Le premier objectif de la loi est donc sans doute de protéger notre savoir-faire et notre industrie.

Le deuxième objectif est bien-sûr de limiter les impacts environnementaux de l’industrie de la mode éphémère. L’industrie textile représente 10% des émissions de GES et 20% de la pollution des eaux alors que la production mondiale a progressé de 18% en 2022. Les impacts sociaux dans certains pays producteurs ne doivent pas non plus être négligés : violation des droits de l’homme, travail forcé, travail des enfants, sécurité des produits …

Champ d’application

Qu’est-ce que la « fast-fashion » ou « mode éphémère » ? L’article 1er du texte les définit principalement par les volumes produits, comme étant : « La mise à disposition ou la distribution d’un nombre de modèles de produits neufs… dépassant des seuils fixés par décret, relève d’une pratique commerciale de collections vestimentaires et d’accessoires à renouvellement très rapide. » Dans cette définition deux éléments : d’une part le nombre d’articles produits dans une unité de temps et d’autre part la durée moyenne de commercialisation des dits-produits. Le modèle est sans doute Shein capable de mettre en vente jusqu’à 7 200 nouveaux modèles quotidiennement et de proposer en ligne jusqu’à 470 000 références.

Les seuils seront donc fixés ultérieurement par décret. On remarque également que les producteurs ne sont pas les seuls visés puisque la loi s’appliquera également aux distributeurs, donc aux places de marché pour lesquelles la pratique de la mode éphémère sera appréciée « en fonction du nombre de modèles de produits neufs présentés sur l’interface électronique. »

Interdiction de la publicité

Les acteurs de la mode éphémère ainsi définis par la loi, ne pourront donc plus recourir à la publicité. Une mesure qui devrait prendre effet au 1er janvier 2025 si bien-sûr les décrets d’application sont publiés à temps. Cette interdiction devrait également en toute logique interdire le partenariat commercial avec les influenceurs.

Un message de sensibilisation

Les acteurs de la mode éphémère auront l’obligation de sensibiliser les consommateurs aux impacts environnementaux des produits. Il ne s’agit pas d’une nouvelle mention publicitaire légale puisque la publicité leur sera interdite. Cette sensibilisation devra donc figurer sur les plateformes de vente, voire le cas échéant en boutique. Ces mentions devront apparaitre sur toutes les pages proposant des articles à la vente et à proximité du prix. Les décrets d’application à venir devraient formuler ces mentions. Le texte de loi actuel parle de mentions « encourageant la sobriété, le réemploi, la réparation, la réutilisation et le recyclage des produits et sensibilisant à leur impact environnemental »

L’instauration d’un bonus-malus.

C’est sans doute le point le plus délicat de cette proposition de loi. L’idée est de frapper ces produits d’un malus sensé freiner les achats et de reverser les sommes récupérées aux producteurs français qui ont une production durable, responsable. Ce bonus-malus sera basé sur l’affichage environnemental des produits. Or, pour l’heure, cet affichage environnemental n’existe pas encore. Il reste en chantier, faute d’un consensus sur la méthodologie et le référentiel. Le secteur de la mode peut-il aboutir à un accord pour le 1er janvier prochain ? Rien n’est moins sûr…

Comment serait calculé le malus ? On démarrerait avec un malus de 20% du prix de vente qui augmenterait chaque année pour atteindre 50% du prix de vente en 2030. Des plafonds sont prévus : 5€ en 2025 avec une augmentation de 1€ chaque année jusqu’à atteindre 10€ en 2030. Ce bonus-malus serait géré par Refashion qui gère la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) des textiles d’habillement, des linges de maison et des chaussures.

Si le texte a été adopté sans réserve par les députés sera-t-il entériné en l’état par les sénateurs ? Et en période inflationniste, comment les consommateurs réagiront-ils ? A suivre …