De plus en plus d’entreprises communiquent sur la neutralité carbone de leurs produits ou de leur organisation, et ce concept, s’il est mal géré peut être trompeur, voire démobilisateur. C’est le message qu’entend faire passer l’ADEME dans un récent avis d’experts.
Cet avis d’experts a été rendu public par l’ADEME le 17 février 2022. Un avis de 17 pages à lire absolument (il est accessible gratuitement) par toute organisation qui serait tentée par ce concept. Déjà en mars 2021, l’ADEME avait émis sur le sujet un 1er avis.
L’avis de l’ADEME prend appui sur des textes et rapports publiés récemment : le Rapport Climate Change 2021, The Physical Science Basis du Giec et la loi Climat et Résilience publiée en août 2021.
L’ambition de cet avis est de permettre aux consommateurs et utilisateurs de faire la distinction entre les entreprises qui témoignent en actions d’un véritable engagement pour l’environnement, de celles qui se laissent aspirées par les affres du greenwashing. Dit autrement, accompagner les annonceurs et les agences dans leur démarche d’allégations environnementales.
La promesse de « neutralité carbone » peut être trompeuse car reposant souvent sur la compensation, elle induit en erreur sur l’engagement réel de l’organisation. Il est essentiel de rappeler que la lutte contre le réchauffement climatique doit en priorité passer par une réduction effective, chiffrable et prouvable des émissions carbone. Or le risque d’une promesse de « neutralité carbone » d’un produit, d’un service, d’une organisation peut entretenir la confusion entre réduction réelle et compensation. L’ADEME prend l’exemple d’un site de E-commerce qui promettrait une livraison « neutre en carbone », parce que compensée, pouvant ainsi laisser croire au client que sa commande n’a pas d’impact environnemental. Selon l’ADEME, cette confusion constitue un frein à la diffusion de « récits mobilisateurs et inspirants » en ne mettant pas l’accent sur les actions réelles de réduction carbone.
Devant ces enjeux, l’ADEME donne 2 conseils-clés. D’abord se défaire de l’approche purement arithmétique de la neutralité carbone et ne pas focaliser sa communication sur cette prétendue neutralité. Ensuite elle conseille de communiquer de façon transparente, proportionnée et distincte sur les différents leviers qui permettent à une organisation de contribuer à la neutralité carbone collective, notamment par une réduction massive de son empreinte et le financement de projets de compensation sélectionnés avec soin.
Dans son avis, l’ADEME donne de nombreux exemples d’expressions à bannir dans la communication. Nous en avons relevé quelques-unes parmi les plus significatives. Par exemple « 100% neutre en carbone » que l’institution propose de remplacer par « Empreinte carbone réduite de x% » en précisant sur quelle durée. Mais aussi : « Territoire zéro carbone », « produit neutre en carbone », « 100% CO2 compensé », « service zéro carbone » ou « produit compensé carbone ». En un mot, éviter toutes les expressions globalisantes qui ne permettent pas d’identifier la réalité des actions engagées par l’annonceur.
Dans son avis, l’ADEME rappelle également que la communication sur les actions de compensation carbone doit être conduite avec la plus grande prudence et réserve. D’autant que le contexte et les mécanismes de compensation ne sont pas en général connus du grand public. A titre d’exemple, elle déconseille la formule « Un produit acheté, un arbre planté » rappelant ainsi que l’arbre planté ne compensera jamais l’impact environnemental du cycle de vie du produit concerné.
Enfin, l’ADEME avec pertinence milite, dans son avis, pour l’affichage environnemental dont la première tentative dans notre pays remonte à … 2011 !
Il convient ici de rappeler que la Loi Climat et Résilience réglemente dans son article 229-68 l’utilisation de l’expression « neutre en carbone » ou toute expression équivalente dans la publicité. Voici le texte de cet article :
Art. L. 229-68.-I.-Il est interdit d’affirmer dans une publicité qu’un produit ou un service est neutre en carbone ou d’employer toute formulation de signification ou de portée équivalente, à moins que l’annonceur rende aisément disponibles au public les éléments suivants :
« 1° Un bilan d’émissions de gaz à effet de serre intégrant les émissions directes et indirectes du produit ou du service
« 2° La démarche grâce à laquelle les émissions de gaz à effet de serre du produit ou du service sont prioritairement évitées, puis réduites et enfin compensées. La trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre est décrite à l’aide d’objectifs de progrès annuels quantifiés
« 3° Les modalités de compensation des émissions de gaz à effet de serre résiduelles respectant des standards minimaux définis par décret.
« II.- Un décret fixe les modalités de mise en œuvre du présent article.
Vous l’avez compris, un décret qui pour l’heure n’est pas paru au Journal Officiel…