Instaurer, pour les entreprises européennes, un devoir de vigilance faisait débat depuis bientôt 5 ans. C’est désormais chose acquise avec la directive CS3D adoptée dernièrement. Une arme pour faire cesser l’impunité des entreprises peu soucieuses de leurs impacts. Principales dispositions.
C’est en février 2022 qu’est révélé le projet de directive sur le devoir de surveillance des entreprises européennes. Mais il faudra 2 années de discussion et quelque 3 000 amendements pour que cette directive devienne concrète. Son adoption par le Parlement Européen le 24 avril dernier n’a par ailleurs pas été facile puisque face aux 374 voix pour, on a dénombré 235 voix contre et 19 abstentions… Alors que prévoit cette Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D) ?
Notion et étendue du devoir de vigilance
Le devoir de vigilance fait obligation aux entreprises concernées de garantir les droits humains, sociaux (toute exploitation par le travail devient répréhensible) et environnementaux (obligation de respect de la biodiversité et du patrimoine naturel) tout au long de leur chaine de valeur. Ce qui inclut bien entendu la production, mais aussi en amont les approvisionnements et en aval la distribution. On peut donc parler concrètement d’un effet en cascade car une entité non soumise de par sa taille à ce devoir devra malgré tout en respecter le principe dès-lors qu’elle est partenaire d’une entreprise soumise. La directive prévoit même l’obligation pour une entreprise soumise d’accompagner dans leurs obligations des partenaires (fournisseurs ou distributeurs) non assujettis.
Concrètement les entreprises soumises devront élaborer un plan de transition conforme aux accords de Paris en vue de prévenir, stopper ou atténuer leurs impacts négatifs, qu’ils soient humains, sociaux ou environnementaux.
Les entreprises assujetties
Le devoir de vigilance s’imposera aux entreprises à partir de 1 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 450 millions d’€. Soit environ 5 400 entreprises en Europe. Seront également concernées les franchises en Europe réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 80 millions d’€.
Les contrôles et sanctions
Chaque État devra désigner une autorité de surveillance pour garantir le respect des obligations. Cette autorité sera dotée d’un pouvoir de sanctions sous forme d’une amende pouvant atteindre 5% du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise défaillante. Au plan européen sera mis en place un réseau de ces autorités de surveillance.
Entrée en vigueur
La directive CS3D entrera en application progressivement en fonction de la taille des entreprises. En 2027 seront concernées les entreprises dépassant 5 000 salariés avec un CA mondial d’au moins 1,5 milliard. En 2028 seront visées les entreprises dépassant les 3 000 salariés avec un CA de 900 millions et en 2029 les entreprises d’au moins 1 000 salariés avec un CA d’au moins 450 millions.
Et maintenant ?
Reste une dernière étape, l’adoption par le Conseil de l’Europe qui pourrait avoir lieu en mai. Ensuite le texte sera applicable 20 jours après sa publication au JO de l’Union Européenne.
Rappelons également que, s’agissant d’une directive, son application nécessite sa transposition par les États dans leur droit national. Les États disposent d’un délai de 2 ans pour le faire. Nul doute que la France sera dans les premiers États à transposer cette directive dans le droit français puisqu’elle a instauré un devoir de vigilance dès mars 2017. Un devoir qui ne concerne toutefois que les entreprises de plus de 5 000 salariés.