A une époque où fleurissent désinformation, mésinformation et autre infox, le gouvernement avait confié à un groupe d’experts, la Commission présidée par Gérald Bronner, de faire des propositions concrètes pour tenter d’endiguer ces tendances. Cette Commission vient de rendre son rapport, « Les lumières à l’ère numérique ». Nous l’avons lu pour vous.
C’est ce mardi 11 janvier que le rapport de la Commission Bronner intitulé « Les lumières à l’ère numérique » a été remis à Emmanuel Macron. Les 14 experts et personnalités sélectionnés pour leurs compétences ont formulé en 124 pages, 30 recommandations, fruits de 3 mois de réflexion. Intéressons-nous aux plus significatives.
Développer l’esprit critique
La Commission Bronner propose de développer l’esprit critique et l’esprit méthodologique et d’en faire une grande cause nationale au sein de l’Éducation Nationale. Elle suggère de sensibiliser les chefs d’établissements, les inspecteurs et recteurs, mais aussi les élus locaux, les responsables RH des collectivités locales et les responsables de bibliothèques. Le pari est ici de développer cet esprit critique tout au long des étapes de formation et dès l’école primaire.
Mieux maitriser les logiques algorithmiques
Il s’agit ici principalement de lutter contre « le biais de popularité » qui conduit parfois les algorithmes à privilégier les contenus des comptes les plus suivis. Dans le même état d’esprit, la commission propose que les plateformes surveillent davantage les gros influenceurs totalisant le plus de followers et les sensibilisent à leur responsabilité. Autre recommandation : accentuer le dialogue entre les plateformes et les institutions scientifiques mais également donner plus d’importance à la compétence en mettant en avant les comptes d’experts et en amplifiant leurs contenus.
Refuser de financer certains sites
La Commission insiste sur la nécessité de promouvoir une publicité responsable qui ne vienne pas financer les sites complotistes ou d’infox. C’est principalement ici la publicité programmatique qui est en cause. La commission propose de s’appuyer sur les listes de sites dressées par NewGuard ou Global Désinformation Index ou encore Storyzy. Elle souligne l’importance pour la presse généraliste d’être en la matière très vigilante. A noter au passage cette information : selon NewsGuard, chaque année les sites de mésinformation ou de désinformation bénéficieraient de 2,6 milliards de dollars de financements issus de la publicité…
Dans la même philosophie, la Commission s’est intéressé aux plateformes de financement participatif en recommandant de prendre des mesures pour éviter tout financement de projets incitant à la haine ou participant à la désinformation. La Commission va jusqu’à suggérer la création d’un label pour les sites de financement participatif vertueux.
Engager la responsabilité civile
Dans les cas avérés de fausse information volontaire occasionnant un trouble à l’ordre public, la Commission demande à ce que la responsabilité civile des acteurs soit engagée sur la base de l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui édicte : « la publication, la diffusion, la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers, lorsque faite de mauvaise foi elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler ». Dans la même logique, la commission propose également d’engager la responsabilité civile des internautes qui rediffuseraient en toute mauvaise foi une fausse nouvelle. A cette fin, la loi LCEN pourrait être complétée par la disposition suivante : « Toute diffusion par voie numérique d’une nouvelle que l’on sait être inexacte et qui porte préjudice à autrui, engage la responsabilité civile de celui qui la commet ainsi que de toute personne qui la rediffuse en connaissance de cause ». Quant aux éventuels dommages et intérêts, ils devront tenir compte des conséquences économiques, du préjudice moral, de l’étendue et de la vitesse de diffusion, du niveau d’audience et de la popularité de l’auteur.
Enfin, elle suggère de donner aux associations de lutte contre ces pratiques la possibilité d’intenter une action civile.
Permettre la saisine de l’Arcom
Si une personne a saisi une plateforme pour signaler un contenu, mais qu’elle se heurte à la défaillance de cette dernière, la Commission demande la possibilité pour le demandeur de saisir l’Arcom si le contenu est susceptible de troubler l’ordre public.