« Taxer la publicité pour consommer autrement » est la proposition centrale du rapport « La communication commerciale à l’ère de la sobriété » rendu public en octobre 2022. Nous l’avons lu pour vous.
Ce rapport de 53 pages est une œuvre commune de l’association Communication et Démocratie (regroupement de professionnels de la communication et des médias, d’universitaires et de responsables associatifs prônant un plus strict encadrement des activités de communication) et de l’Institut Veblen (think tank agissant pour la transition écologique). Ce rapport a bénéficié du soutien financier de l’Ademe.
Analyse de la communication commerciale et de ses impacts
Le rapport « La communication commerciale à l’ère de la sobriété » s’ouvre sur une analyse de la communication commerciale et de ses effets sur les plans économiques, sociaux, environnementaux. Une analyse centrée sur les 3 dernières décennies puisque la période de référence de cette étude inclut les années de 1992 à 2019. Le rapport retient, pour l’année 2019, un total de 33,8 milliards d’€ d’investissements pour l’ensemble des activités de communication médias et hors-média, auxquels il conviendrait d’ajouter environ 10 milliards représentés par la rémunération des professionnels du secteur. Autre constat fait par cette étude, une concentration importante des activités de communication entre les mains d’une poignée d’annonceurs. Une démonstration étayée de nombreux chiffres : seulement 66 000 annonceurs pour 4 millions d’organisations en France, 500 annonceurs réalisant les 2/3 des dépenses de communication ou encore 31 annonceurs représentant 20% du marché de la communication commerciale…
L’analyse des activités de communication sur les 3 dernières décennies s’est, selon le rapport, traduit par une augmentation globale de la consommation de 5,3% et une augmentation du PIB de 4,99%. Et pour financer leurs dépenses supplémentaires, les consommateurs auraient, sur cette période, augmenté de 6,6% leurs heures travaillées.
Outre cette dénonciation de la surconsommation induite par la publicité, le rapport souligne également d’autres effets préjudiciables. Notamment la mise en valeur par la publicité de produits pouvant entrainer des impacts environnementaux, sociaux ou sociétaux néfastes. Le rapport évoque principalement l’automobile (il relève que 42% de la publicité automobile est en faveur des SUV), la restauration rapide, les jeux d’argent ou encore les soft drinks.
Des propositions : taxation et encadrement
Après cette analyse, par ailleurs très bien argumentée, du poids et des impacts de la communication commerciale au cours des 3 dernières décennies, le rapport fait un certain nombre de propositions. La plus significative est sans aucun doute celle de taxer les activités de communication dès 2023. Trois scénarios de taxation sont examinés avec 2 taux de taxation, à savoir 5% et 8%. Le taux de 5% est éliminé car entraînant trop peu d’effets sur les dépenses de communication commerciale. Le rapport retient donc une taxe de 8% qui frapperait la publicité et les relations Publics et qui permettrait une baisse des dépenses concernées de 13,2%. Les activités qualifiées de « marketing promotionnel » par le rapport ne seraient donc pas taxées mais enregistreraient, par effet de rebond, une baisse des dépenses de 4,3%. Le rapport propose d’exempter les petites organisations de cette taxe, ainsi que les secteurs stratégiques pour la transition écologique tels que l’agriculture bio, le secteur du réemploi ou encore des énergies renouvelables. Sur les premières années de taxation, la taxe pourrait rapporter entre 1,6 et 1,7 milliard d’€.
Autre proposition, interdire les activités promotionnelles aux secteurs à forte empreinte carbone. Sont visés les énergies fossiles (mais par ailleurs encadrées dernièrement), les véhicules de tourisme thermiques et hybrides, les voyages en avion et les produits alimentaires avec un nutriscore D ou E et même C si la promotion vise les mineurs.
Le rapport revient enfin sur la régulation des activités de communication en militant pour une régulation « véritablement indépendante », avec la mise en place d’un contrôle a priori notamment sur les allégations environnementales, les incitations au gaspillage et l’obsolescence marketing. Il suggère également de rendre publics les montants des dépenses de communication pour une liste de produits sensibles : l’automobile, la téléphonie mobile, la restauration rapide et les soft drinks.
Un rapport dont la principale nouveauté réside donc dans la proposition de taxer de manière quasiment globale les activités de publicité, faisant ainsi de la fiscalité une alliée de la transition écologique.
Un parti pris qui mise en priorité sur la réduction quantitative des activités publicitaires et qui aura sans doute une certaine efficacité en la matière. Mais quant à nous, nous restons persuadés que la priorité réside dans la conception du message publicitaire, notamment dans les représentations de nos modes de consommation et/ou la promotion des gestes responsables. Faisons de la publicité un levier de la transition écologique et sociale à laquelle nous aspirons.